Le 17 juin, les moutons du parc des Coteaux ont eu droit à leur tonte annuelle. Cette année, c’est l’artiste plasticienne Lucie Bayens, initialement programmée à La Nuit Verte, qui a récupéré la laine.
Parqués dans leur enclos de Triboulet, à l’abri des averses, le troupeau de Rachel Léobet attend Thibaud Nègre, leur tondeur attitré. « Il ne faut pas qu’ils soient mouillés, sinon impossible de les tondre correctement », explique la bergère. Cette année, crise sanitaire oblige, l’événement n’est ni public, ni festif, comme ce fut le cas en 2019 à l’Oasis Carriet.
C’est donc à huis-clos, ou presque, que les 35 bêtes, dont 15 agneaux mâles, ont droit à leur coupe d’été, toujours sous la main experte de Thibaud Nègre. Et sous le regard attentif de l’artiste plasticienne Lucie Bayens, venue assister à ce « corps à corps » entre le tondeur et les animaux. « C’est la première fois que je vois ça, c’est impressionnant », précise la jeune femme. C’est elle qui repartira avec la toison des moutons. Soit 9 sacs remplis de laine offrant une belle palette de toutes les nuances de blanc et de noir. Et de pas mal de suint.
Choisie pour faire partie des créateurs qui auraient dû composer l’éclectique programme de la Nuit Verte de la biennale panOramas 2020, Lucie Bayens s’était installée dès le mois de décembre au « QG » à Cenon pour présenter son travail et son projet de sculpture textile avec les tricoteuses du Bois Fleuri notamment (implantées à Lormont, elles suivent les aventures et l’itinérance de panOramas depuis 2016). Avant que la pandémie de Covid 19 ne vienne tout chambouler : confinement, fermeture du QG et in fine annulation de La Nuit Verte !
Il n’empêche, début juin, le QG a finalement rouvert ses portes. Charlotte Hüni, la directrice artistique de panOramas n’a pas renoncé à bricoler quelque chose. Pas question que l’énergie déployée dès novembre par de nombreux artistes ne débouche sur rien. Lucie Bayens, quant à elle a repris ses ateliers et a accueilli, masquée, une petite dizaine de couturières et de tricoteuses venues reprendre leur travaux. L’artiste bordelaise connue pour ses œuvres faites d’assemblages, de coutures ou de tressages de « matières organiques et plastiques » qu’elle glane au fil de ses pérégrinations, poursuit donc, vaille que vaille son projet : celui de concevoir tout une série de sculptures s’appuyant sur les techniques du tricot, de la couture ou du crochet, en y intégrant la laine des moutons du parc des Coteaux.
Pour l’instant, elle ne sait pas encore sous quelle forme elle se servira de cette matière qu’elle n’a jamais travaillée. D’autant que d’ordinaire, ce genre de textile est lavé puis cardé avant d’être filé. Mais le processus est long. Et transformer en objets d’arts la matière brute n’est pas pour déplaire à Lucie Bayens. Elle se laisse tout l’été pour réfléchir. Et dévoilera à l’automne ces « créatures ».
Texte et photos : Aline Chambras